Tutelle au majeur

Votre enfant bientôt majeur ne peut pas assurer son bien-être ou la gestion de ses biens. À ses 18 ans il sera présumé apte à s’occuper de lui-même et de ses biens et vous perdrez votre « autorité parentale ». Le tribunal pourrait désigner un ou plusieurs tuteurs pour assurer la protection de sa personne, la gestion de son patrimoine et, en général, l’exercice de ses droits. Vous envisagez l’ouverture d’une tutelle au majeur? Découvrez toutes les particularités de cette mesure juridique.

Pour qui?

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Passage à 18 ans

Les parents d’un enfant mineur doivent assurer la protection de sa personne et la gestion de ses biens. C’est ce qu’on appelle la « tutelle au mineur ». En règle générale, la tutelle des parents prend fin à la majorité de l’enfant. Tout adulte de 18 ans et plus est présumé apte à s’occuper de lui-même et de ses biens.

Cependant, certaines personnes devenues majeures ont toujours besoin d’être encadrées et protégées. C’est peut-être le cas de votre enfant. Vous pouvez alors demander au tribunal ou à un notaire d’ouvrir une tutelle au majeur, l’une des mesures d’assistance et de représentation destinées aux personnes majeures. Il est possible d’initier les démarches dès ses 17 ans, mais le jugement ne prendra effet qu’à sa majorité.

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Qu'est-ce que la tutelle au majeur?

Depuis le 1er novembre 2022, la tutelle au majeur est l’unique régime de protection offert aux personnes inaptes. La tutelle au majeur est une mesure juridique destinée à assurer la protection d’une personne adulte, la gestion de son patrimoine et l’exercice de ses droits.

Motifs pour envisager la tutelle

La tutelle au majeur est établie par le tribunal en cas d’inaptitude de la personne et lorsque cette dernière doit être représentée.

Le besoin de représentation chez une personne peut être lié à :

  • la nature de son inaptitude
  • son isolement
  • la durée de son inaptitude
  • la difficulté à gérer ses biens
  • le risque qu’elle se retrouve dans des situations qui pourraient lui causer des torts
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Représentation de la personne inapte

La mise en place d’une tutelle au majeur permet, entre autres, à son ou ses tuteurs de :

  • parler au nom de la personne représentée
  • demander des renseignements pour elle
  • signer pour elle
  • transiger avec les instances gouvernementales, comptables, compagnies, médecins, pharmacie, école, milieu de vie, etc. en étant légitimement reconnu
  • veiller au bien-être de la personne et à la défense de ses droits
  • gérer son budget et ses avoirs
  • consentir à ses soins ou les refuser, si la personne est inapte à y consentir
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Pas de bon ou de mauvais choix

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Aller de l’avant ou pas quant à l’ouverture d’un régime de protection restera toujours une décision personnelle pour les parents. Il y a des parents qui voudront le faire dès les 18 ans de leur enfant et des parents qui ne feront jamais les démarches. Il y en a d’autres qui le feront par nécessité, à la suite d’un événement, d’autres encore qui voudront le faire pour préparer « l’après-parents », c’est-à-dire en prévision du moment où ils ne pourront plus veiller sur leur enfant ou qu’ils ne seront plus là, et qui souhaitent déjà avoir fait les démarches pour leur famille. Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix.

Me Joanie Lalonde-Piecharski, notaire

information

Démarches d'ouverture d'une tutelle au majeur

Vous souhaitez procéder à l'ouverture d'une tutelle pour votre enfant bientôt majeur? Découvrez les étapes clés et les professionnels à consulter.

Comprendre les démarches →

Personnalisation de la tutelle

La personne représentée bénéficie d’une tutelle personnalisée, c’est-à-dire qu’elle est adaptée à ses besoins et respecte son niveau d’autonomie.

Nature de la tutelle

La nature de la tutelle désigne les aspects pour lesquels le tuteur doit intervenir. Il faut distinguer la « tutelle aux biens », qui porte uniquement sur la gestion du patrimoine, et la « tutelle à la personne », qui concerne le bien-être moral de la personne, sa représentation dans l’exercice de ses droits civils et la défense de ses droits. La « tutelle aux biens et à la personne » est celle qui couvre tous ces aspects.

Délais de réévaluation

Les délais de réévaluation médicale et psychosociale varient également d’une personne à l’autre. Ils sont fixés par le tribunal, mais ne peuvent pas dépasser cinq ans, pour la réévaluation psychosociale, et dix ans, pour la réévaluation médicale.

Modulation

Il y a modulation de la tutelle lorsque le tribunal modifie ou précise les actes que la personne peut faire seule ou non ou avec l’aide de son tuteur. Elle tient compte des facultés (capacités) de la personne.

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Modulation de la tutelle

Lorsque la tutelle est mise en place, le tribunal doit déterminer si la tutelle est modulée ou non. Cette décision repose notamment sur les évaluations médicale et psychosociale de la personne et sur ses volontés et ses préférences.

La loi prévoit six formes de modulation de la tutelle :

  1. Le droit de vote : la personne conserve le droit de voter aux élections fédérales, municipales et scolaires, sauf décision contraire du tribunal
  2. La garde : le tuteur est généralement responsable de la garde de la personne inapte, à moins que le tribunal décide que la garde n’est pas nécessaire
  3. Le pouvoir de faire des achats : le tribunal peut autoriser la personne sous tutelle à effectuer des achats pour ses besoins ordinaires, à condition qu’elle soit en mesure de respecter un budget établi avec son tuteur
  4. La signature du bail : la personne sous tutelle peut être autorisée à signer son propre bail si elle remplit certaines conditions. Le tribunal doit spécifier cette autorisation par jugement
  5. Les actes liés à l’emploi, à l’art ou à la profession : la personne représentée peut être autorisée à effectuer diverses actions comme chercher un emploi, signer un contrat ou négocier des conditions de travail
  6. La gestion du produit de son travail : le tribunal peut autoriser la personne représentée à gérer sa rémunération, en fonction de sa capacité à le faire
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Acteurs de la tutelle

Plusieurs personnes collaborent pour le bien de la personne représentée et pour s’assurer du respect de ses droits. Les principaux acteurs de la tutelle sont les suivants :

  • La personne représentée : une personne majeure pour qui le tribunal a ouvert une tutelle après le constat de son inaptitude et de son besoin de représentation
  • Le ou les tuteurs : une ou plusieurs personnes nommées par le tribunal pour protéger et représenter un adulte qui n’est plus en mesure de s’occuper de lui-même ou de gérer son patrimoine. Dès l’ouverture de la tutelle, la loi impose des responsabilités spécifiques au tuteur à la personne et au tuteur aux biens
  • Le conseil de tutelle : un petit groupe de personnes qui surveille la tutelle et accompagne le tuteur dans ses tâches. Suivant l’article 228 du Code civil du Québec, le conseil de tutelle est normalement formé de trois membres, de deux membres suppléants et d’un secrétaire du conseil de tutelle. Le conseil de tutelle joue un rôle important. Il doit s’assurer que le tuteur effectue son travail, dans l’intérêt de la personne inapte, et dans le respect de son autonomie. En règle générale, les membres du conseil de tutelle doivent se réunir au moins une fois par an. Cette réunion permet de faire le bilan de la gestion du tuteur au cours de la dernière année. La réunion peut être en personne, mais aussi par visioconférence ou par conférence téléphonique
  • Le Curateur public du Québec : institution publique qui assiste et surveille les tutelles. Le Curateur s’assure que le tuteur fait son travail dans l’intérêt de la personne représentée, le respect de ses droits et de son autonomie, en tenant compte de ses volontés et préférences. Le tuteur dispose du soutien du Curateur public qui met à sa disposition de nombreux outils et formulaires pour faciliter la gestion et la reddition de compte.
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Ligne du temps

Le plus tôt possible

  • S’informer sur les différentes mesures d’assistance et de représentation afin de prendre une décision éclairée quant au choix de demander l’ouverture d’une tutelle au majeur. 
  • Entre 16 et 17 ans, demander d'avoir un ou une travailleuse sociale au dossier de votre enfant (pour l'évaluation)

À partir de 17 ans

  • Débuter la demande de tutelle au majeur (18 ans si c'est avec l'aide juridique)
  • Faire rédiger l'évaluation médicale par le ou la médecin de votre enfant
  • Faire rédiger l'évaluation psychosociale par le ou la travailleuse sociale au dossier (au besoin aller au privé)
  • Porter une attention aux délais (habituellement 6 mois) entre les évaluations et le dépôt à la Cour
  • Déterminer qui sera la ou les tuteurs ainsi que le tuteur remplaçant si désiré
  • Déterminer les personnes devant être convoquées à l'assemblée de parents, d'alliés ou d'amis
  • Identifier qui formerait le Conseil de tutelle
  • Déposer la demande
  • Signifier et notifier le dépôt aux personnes identifiées
  • Suivre les étapes subséquentes

À l'ouverture de la tutelle

  • Fournir les documents demandés (inventaire des biens, sureté…)
  • Respecter les responsabilités et les obligations associées aux différents acteurs de la tutelle

Annuellement

Remplir/fournir les comptes-rendus et documents demandés par le Curateur

Selon le jugement (3, 5, 10 ans…)

Faire réévaluer la personne. La personne inapte est normalement réévaluée à tous les 3, 5 ou 10 ans, mais les délais de réévaluation médicale et psychosociale sont fixés par le tribunal et peuvent varier d’une personne à l’autre.

Ressources

Guide
Curateur public du Québec

Protéger une personne sous tutelle. Guide à l'usage du tuteur et du conseil de tutelle

Documentation
Gouvernement du Québec

Outils à l’usage du tuteur et du conseil de tutelle

Documentation
Gouvernement du Québec

Formulaires à l’usage du tuteur et du conseil de tutelle

Information
Éducaloi

La tutelle : protéger une personne inapte

Information
Éducaloi

Comment ouvrir une tutelle pour une personne inapte?

Documentation
Gouvernement du Québec

Registre public des mesures de représentation

Du déni à l'action : Nancy face à la tutelle de sa fille

Nancy, mère de Corinne, dévoile le parcours émotionnel intense face à la tutelle. Elle raconte comment le déni initial a progressivement laissé place à une prise de conscience des réalités administratives et des responsabilités qui s'étendent bien au-delà du présent. Un témoignage authentique sur l'acceptation des démarches légales nécessaires.

La tutelle : Une prise de conscience bouleversante pour les parents
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Conseils

Explorez les autres mesures juridiques

Une personne peut avoir besoin d’être représentée pour un acte spécifique, comme signer un contrat. Informez-vous au sujet de la représentation temporaire, une mesure qui permet à un proche d’accomplir un acte précis pendant une période limitée au nom d’une personne inapte. N’hésitez pas à contacter un professionnel (travailleur social, notaire, etc.) pour vous accompagner dans cette réflexion.

Débutez les démarches dès 17 ans

Les démarches d’ouverture d’une tutelle sont complexes et les délais peuvent être longs (entre 6 et 18 mois, selon les témoignages de parents). Vous pouvez débuter le processus dès que votre enfant atteint l’âge de 17 ans. Il n’est pas nécessaire d’attendre sa majorité! Toutefois, le jugement prend effet seulement lorsqu’il devient majeur. N'oubliez pas qu'il n'est jamais trop tard pour débuter les démarches.

Pesez le pour et le contre

Avant d’endosser le rôle de tuteur (ou de membre du conseil de tutelle), informez-vous sur les obligations et les responsabilités associées à chaque fonction. Il arrive que des personnes bienveillantes s’impliquent pour le bien d’un membre de leur entourage, mais s’aperçoivent trop tard que leur rôle ne leur convient pas.

Impliquez la personne sous tutelle

Le tuteur agit comme représentant de la personne déclarée inapte. Il prend des décisions pour elle, dans son intérêt. Cependant, la personne sous tutelle doit participer aux décisions qui la concernent, dans la mesure du possible. D’ailleurs, à cet égard, la loi est claire : les volontés, les préférences et la participation de la personne sous tutelle doivent être au cœur des décisions du tuteur.

À retenir

Tout adulte de 18 ans et plus est présumé apte à s’occuper de lui-même et de ses biens. Cependant, certaines personnes ont besoin d’être encadrées et protégées. Il est alors possible d’ouvrir une tutelle au majeur. Cette mesure juridique est destinée à assurer la protection de la personne adulte, la gestion de son patrimoine et l’exercice de ses droits.

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Personnalisation de la tutelle

La tutelle est adaptée aux besoins de la personne, elle peut prendre plusieurs formes :

  • Tutelle à la personne
  • Tutelle aux biens
  • Tutelle aux biens et à la personne

Modulation de tutelle

Le tribunal peut moduler la tutelle selon les capacités de la personne autour de six catégories : le vote, la garde, le pouvoir de faire des achats, la signature du bail, les actes relatifs à son emploi, son art ou sa profession, et la gestion du produit de son travail.

Les acteurs de la tutelle:

  • Personne représentée
  • Tuteur(s)
  • Conseil de tutelle
  • Curateur public

Démarches

  • Obtenir:
  • Rédiger la tutelle, déterminer qui seront le ou les tuteurs
  • Déposer la demande d’ouverture de tutelle
    • Attention, les évaluations médicale et psychosociale doivent dater de moins de 6 mois au moment du dépôt
  • Procéder à l’interrogatoire de la personne par un greffier spécial ou un notaire accrédité
  • Convoquer l’assemblée de parents, d’alliés et amis
  • Désigner les membres du conseil de tutelle
  • Attendre la notification du jugement par le tribunal
  • Respecter les responsabilités et obligations
  • Faire réévaluer la personne tous les 5 ans

Foire aux questions

Il est bon de rappeler qu’avec l’entrée en vigueur de la Loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité, le 1er novembre 2022, une personne sous tutelle bénéficie désormais d’une mesure moins privative de droits, plus respectueuse de son autonomie et mieux adaptée à sa réalité. Ainsi, il est possible que la tutelle soit modulée et que votre enfant puisse toujours exercer certains de ses droits civils. 

De manière générale, en tenant compte de la situation de la personne, le tribunal peut lui nommer un seul ou plusieurs tuteurs. Différents scénarios sont possibles :

  • Un seul tuteur pour s’occuper de sa personne et de ses biens
  • Un tuteur à la personne et un ou plusieurs tuteurs aux biens
  • Deux tuteurs à la personne, lorsque le père et la mère sont les tuteurs potentiels (attention, selon l’article 268.1 alinéa 1 du Code civil du Québec, le tribunal peut nommer deux tuteurs à la personne seulement lorsqu’il s’agit des parents du majeur)
  • Etc.

D’abord, il faut savoir que les réunions du conseil de tutelle peuvent se tenir à distance, c’est-à-dire par téléphone ou en mode virtuel. Ainsi, les membres du conseil de tutelle ne doivent pas forcément demeurer dans une même région. De plus, dans certains cas, si le tribunal l’autorise, le conseil de tutelle peut être constitué d’une seule personne. 

Le Curateur public surveille les tutelles et assiste le conseil de tutelle et le tuteur. Toutefois, dans certains cas, il peut effectivement agir à titre de tuteur ou de conseil de tutelle. La tutelle au majeur peut être privée (le représentant légal est un membre de la famille, un proche ou un ami), publique (le représentant légal est le Curateur public) ou mixte.

Selon le contexte, il est possible que l’acte soit annulé ou que les obligations qui en découlent soient réduites si votre enfant subit un tort en raison de cet acte. 

Quand un désaccord se présente, les tuteurs peuvent s’adresser au conseil de tutelle qui doit intervenir pour favoriser un règlement entre les parties impliquées. Cela permet d’éviter des démarches judiciaires. Si le désaccord persiste, le conseil de tutelle peut s’adresser au responsable du dossier de la personne représentée au Curateur public pour tenter de dénouer l’impasse. Mais il arrive que le tribunal doive trancher. 

Le processus est le même, mais le tuteur doit fournir une garantie lorsque la valeur du patrimoine de la personne représentée dépasse 40 000 $. C’est ce qu’on appelle la « sûreté ». C’est le conseil de tutelle qui détermine le montant de la sûreté et cette décision doit être transmise au tuteur et au Curateur public via le formulaire « Attestation d’une décision du conseil de tutelle relative à la sûreté devant être fournie par un tuteur ou une tutrice ».

L’évaluation médicale doit précéder l’évaluation psychosociale et ces deux dernières ne peuvent être faites trop longtemps avant le dépôt de la demande de tutelle. En principe, les retards dans l’obtention d’une évaluation psychosociale peuvent donc compromettre le processus. Les familles qui ne sont pas suivies par un travailleur social peuvent faire la demande auprès du CLSC pour en obtenir un, mais les délais d’attente sont parfois très longs. Pour cette raison, certains parents privilégient une voie plus rapide et partent à la recherche d’un travailleur social au privé, en déboursant les frais associés à la démarche. 

Avant le 1er novembre 2022, il existait trois régimes distincts pour la protection des adultes inaptes au Québec : la curatelle au majeur, le conseiller au majeur et la tutelle au majeur. La réforme a aboli les deux premiers régimes. Toutes les curatelles existantes sont devenues des tutelles et les curateurs sont devenus des tuteurs.

Glossaire